[Suite de Under the Rain]Par inconscience ou complète conscience, Valentina avait poussé le bouchon assez loin pour faire sortir le jeune homme de ses gongs. Elle n'avait pourtant déposé qu'un léger baiser sur le bout de son nez, mais il semblait que pour ce mafieux là, les contacts physiques n'étaient guère envisageable. C'était parfait qu'il réagisse comme ça, car cela lui prouvait une fois encore qu'elle avait mis en plein dans le mille: Il n'était qu'une racaille de bas étage qui ne méritait que son mépris et rien d'autre. La belle illusionniste ne s'en voulait même pas d'avoir semé le vent pour récolter encore un peu de tempête, au contraire...Elle était même extrêmement fière d'elle, même si cela ne se voyait pas encore. Elle se contenta de se redresser, triomphante sans le vouloir, osant le toiser au travers de son bandage montrant pleinement son infirmité. Quand il eut fini de hurler, Valentina se contenta de soupirer, sans un mot ni un geste de plus: Il la fatiguait avec ses airs de vierge effarouchée, c'en était si pathétique qu'elle avait grande peine à l'imaginer en train de terroriser tout le monde. Disons qu'elle partait du principe qu'un "caïd" dans son genre n'aurait pas eu peur d'un ridicule petit baiser...Mais lui, il n'était pas comme tout le monde, cela se voyait. Il devait savoir affronter tout ce qu'il y a de pire dans la vie, excepté tout ce qui constitue une valeur méliorative, comme la douceur, la compassion, l'amour...Tout ça devait lui échapper ou bien lui être inconnu. Cela dit, quand bien même on la payerait des millions, Valentina n'avait pas la patience de rester des jours et des jours à lui apprendre des valeurs aussi simples et fondamentales. A ses yeux, s'il réagissait aussi bêtement, il était tout bonnement irrécupérable...Elle soupira donc, avant d'enlever d'un coup sec le bandage qui lui entourait les yeux, sans crier gare. Ses yeux d'une couleur bleue aussi claire qu'une onde des Caraïbes vinrent percer ceux de ce jeune homme, et même si elle ne le voyait pas, elle montrait grâce à eux plus de prestance que n'importe quelle autre femme dans la mafia. Voilà la seule chose que tout le monde ignorait de Valentina et de sa mère: Elle avait un physique tel qu'elle était capable de le moduler comme elle voulait, mais dès qu'il se retrouvait au naturel comme c'était le cas à cet instant pour ses yeux, elle embaumait presque l'atmosphère par une présence implacable. Oui, elle était le charisme à l'état pur...Et c'était fort dommage que sa vue ne puisse plus jamais lui donner l'occasion de voir l'effet qu'elle pouvait faire sur les quelques fous qui osaient poser son regard sur elle.
Une fois que Valentina eut ouvert les yeux, elle ne recula pas pour autant et ne cessa de "regarder" son vis à vis qui de toute évidence ne lui faisait pas plus peur qu'un python en pleine forêt d'Afrique. Il ne fallait pas croire, elle aussi était une bête féroce, et si elle n'était sûrement pas aussi connue que lui, elle n'en restait pas moins abominablement dangereuse lorsqu'elle s'y mettait. De plus, il ne lui fallait pas grand chose pour qu'elle perde patience, et déjà que ce gamin ne marquait pas de points depuis le début, maintenant qu'il avait révélé ce qu'il détestait le plus, elle sentait qu'elle allait beaucoup s'amuser à le taquiner...A moins qu'elle n'ose tout bonnement le laisser en plan comme la personne sans âme et sans coeur qu'elle ne se cachait pas d'être.
" Tiens donc, le petit agnelet aurait-il peur qu'on le touche? Tu te crois tellement indispensable que tu ne te sens plus pisser? Ma foi, cela te regarde. Mais si tu as peur d'un simple baiser sur le nez, alors je ne vois pas la valeur que tu peux bien avoir...Ah! Si je sais. Absolument...AUCUNE! Tu n'es certainement qu'un pantin ayant pris le même chemin débile que papa et maman...Sauf que ta réaction prouve que tu es plus fragile que du verre, et c'en est pathétique! "
Voilà pourquoi il ne fallait pas chercher la petite bête avec Valentina: Elle savait provoquer les autres mieux que personne, mais surtout elle savait analyser et déconcerter. Elle s'en fichait de taper dans le mille ou d'être complètement à côté de la plaque, tout ce qui importait, c'était de le faire redescendre de son piédestal, parce qu'à son goût il se prenait pour ce qu'il ne serait jamais. Peut-être était-il important dans cette ville, mais aux yeux de l'héritière la plus douée de la famille Cervello, il n'était rien qu'un gamin de quinze ans qu'elle balayerait en deux minutes. Cela dit, comme elle n'avait pas l'intention d'être trop "cruelle" avec lui non plus, elle s'accorda le droit de le chercher encore un peu...Après tout, ce n'était pas tous les jours qu'elle pouvait faire enrager quelqu'un d'autre que son mentor avec autant de facilité et de brio! Elle passa donc à l'attaque en plaquant avec plus de violence que jamais le jeune homme contre le mur, l'empêchant de bouger en maintenant fermement ses poignets. Elle voulait qu'il se sente désarmé et à sa merci, même si cela ne devait durer que quelques secondes! Ce serait sa petite victoire personnelle...Juste pour le plaisir de le voir enrager avec un geste aussi simple et anodin.
La jolie illusionniste poussa donc la plaisanterie à l'extrême en se penchant vers ce jeune lionceau furieux pour mieux atteindre ses lèvres. Oui, vous avez bien lu, Valentina venait de lui donner un véritable baiser, faisant preuve dans ce geste d'une douceur et d'une passion dont elle s'étonna elle-même. Ce n'était que pour le faire enrager, et pourtant ce baiser semblait lourd de sens. D'ailleurs, elle mit bien une bonne minute avant de se détacher de lui et de le regarder avec un sourire, non pas sadique ni satisfait, mais un sourire énigmatique, presque gentil. Tout était fait, en somme, pour qu'il soit décontenancé jusqu'à la limite de l'insupportable. Et finalement, elle le relâcha aussi simplement qu'elle l'avait embrassé, sans fioriture ni grandes pompes...
" J'espère que tu vois ce que ça fait d'être pris au piège, j'espère que tu sens à quel point ta volonté t'a échappé. Recommence à me manquer de respect et je jure de te faire subir la même chose à chaque mot ou geste que je jugerais déplacé. Tu es peut-être un caïd dans cette ville, mais où que tu sois, face à moi tu n'es rien du tout...Parce que tu n'es qu'un gamin de quinze ans."
Valentina avait lancé cet âge totalement au hasard, demeurant à des années lumières de se douter qu'elle pouvait tomber juste. Elle trouvait juste amusant et étrange si quelqu'un de son âge tombait sous le charme d'un gamin du sien...Et sur cette pensée, elle tourna les talons. Elle quitta la ruelle dans laquelle elle avait laissé ce pauvre imbécile prétentieux, et se dirigea seule dans la ville...
La jolie illusionniste ne fut aperçue chez elle, dans son petit appartement résidentiel que deux jours plus tard. Elle avait erré tout ce temps afin de retrouver son chemin, et une fois que son majordome lui eut ouvert, ce fut un sourire de satisfaction qui se dessina sur son visage. Elle s'écroula littéralement dans ses bras, morte de fatigue, et le vieil homme n'hésita pas à une seconde avant de la conduire jusqu'à sa grande chambrée afin de l'allonger confortablement dans ses draps de soie rouge. Il passa sa main sur son front puis, constatant qu'elle avait de la fièvre, se dépêcha d'aller quérir un médecin, non par téléphone, mais armée de la limousine de la famille de Valentina. Pendant ce temps, la belle était à mi chemin entre le royaume des rêves et celui des cauchemars...D'où le fait qu'elle se mette à tourner et virer violemment dans son lit, en hurlant, le visage en sueur...
" NOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOON!! PAPA! MAMAN!! REVENEZ MOI!! NE ME LAISSEZ PAS TOUTE SEULE...RESISTEZ A LA FAUCHEUSE!!! Revenez...J'ai peur...J'ai froid...J'ai mal..."